TEXTES

Bertrand BEAUSSILLON

Le mystère du visible

Un rien de lumière, et tout autour l’obscurité, une manière de noir sidéral. Une forme se découpe, on en devine une infime partie, et force est d’imaginer ce que la nuit ne montre pas. Entre présence et absence, la beauté du monde, sans effusion ni tapages, spectacle murmurant, tamisé.

Les couleurs chuchotent, la peinture ici comme une poésie de l’intime.

Ce qu’il faut de patience pour révéler à notre regard les surfaces à peine suggérées d’objets ou d’édifices dont il est vain de s’interroger sur la nature. Ce qu’il faut de ténacité pour figer ainsi le silence lancinant de ces structures imprégnées de mystère.

Les ombres palpitent, la peinture ici comme vibration de l’insondable.

Il serait tellement plus simple de capter de notre quotidien les péripéties outrancières, les burlesques embardées, les incohérentes saillies, au lieu de quoi Bertrand Beaussillon préfère s’en tenir à une écriture toute en retenue, en finesse.

Sa peinture est une immersion dans un monde inanimé auquel des lueurs envoûtantes viennent apporter un frémissement de vie. Il faut juste se laisser absorber, accepter de cheminer dans l’ombre, et s’abreuver à ces teintes subtiles qui résonnent en nous comme le feraient les vibrations légères d’une mélodie envoûtante.

Les plans s’imbriquent, se jaugent, la peinture ici comme poésie du rythme.

Libre à qui en ressent la nécessité de réconforter son œil en reconnaissant dans telle ou telle forme une petite part tangible du monde réel. Aux frontières de l’abstraction, il nous offre un moment d’osmose avec un univers où la lumière et la couleur ont épousé la même cause, et nous permet un regard autre sur les choses visibles de ce monde-ci.

De la substance nocturne émerge une harmonie d’une infinie poésie, un univers pictural à part dans le paysage contemporain, totalement intemporel.

Baignée de silence, cette peinture est en vérité l’incarnation du mystère du visible et interroge habilement notre regard sur le monde.

Ludovic DUHAMEL

Texte paru dans Miroir de l’art n° 82 (2017)